Un des membres de notre page Facebook a écrit ce billet d’humeur sur le drame de Toulouse. Nous voudrions partager ça avec vous car c’est un texte d’une qualité de réflexion peu fréquente.

par Art’ Oyh, lundi 19 mars 2012, 22:22 ·
 

Une fusillade a eu lieu ce matin dans ma ville, quatre personnes ont trouvé la mort, dont trois enfants ainsi qu’un certain nombre de blessés. Penser à la souffrance des familles est légitime et tout le monde s’entendra sur l’atrocité d’un crime sans cible précise au premier abord. C’est un point de  vue évident, mais l’émotion ne doit pas nous empêcher de nous poser des questions, ou tout du moins d’autres toutes aussi légitimes que la souffrance évidente des proches. En cet instant où la ville est encore en émoi, qui pense au parcours du meurtrier ? Je me demande ce qui l’a conduit là aujourd’hui, pourquoi ? Avait-il un but réel et surtout est-il le seul responsable de ses actes, ne sommes-nous pas tous par notre non-assistance également responsable de ce drame ?

 

Nous évoluons dans une société qui ne sait éduquer ses jeunes, proposer des solutions pour que tous puissent vivre dignement, qui laisse se développer la haine ethnique, ne sait plus écouter et soutenir ses pauvres, ses désaxés. Une société qui encourage la compétition à outrance, nous faisant croire qu’être c’est posséder, engendrant le malheur des plus pauvres.Une société qui met à l’écart systématique les moins soumis, des moins aptes à faire partie de ses rouages, ne s’expose-t-elle pas à ce genre de retour de bâton ? Le voir comme un fou un barbare n’est-il pas un moyen de le déshumaniser et ainsi nous dédouaner de ces péchés ? Le passage à l’acte, aussi injustifiable soit-il, n’est-il pas légitime quand on a plus rien à quoi se raccrocher ?

 

Cet homme, avant de commettre ces actes est forcement passé entre les mains de médecins qui ne l’ont pas écouté, a demandé de l’aide que personne n’a su lui donner. Plus atroce que ce crime encore, c’est la façon dont les hommes se traitent les uns les autres. Tous les jours par nos petits « non-actes », par notre manque d’humanité, nous engendrons des monstres. Des monstres qui servent le pouvoir en place pour nous vendre leurs projets d’un monde encore plus aseptisé, encore plus contrôlé.Ce n’est pas ce dont l’homme a besoin.

 

L’homme a besoin d’un regard, d’une main tendue d’un sourire. l’homme aspire à la paix intérieure, à ce qu’on le respecte en tant qu’individu et non pas en tant que statistique. Nous vivons dans un monde qui ne sais pas sourire, tentez l’expérience dans le métro vous serez surpris du résultat. L’on laisse cela au sot au farfelu, aux enfants qui contrairement à nous n’ont pas encore désappris à s’aimer les uns les autres, à ne pas voir en l’autre un adversaire ou un agresseur potentiel.  L’on s’enferme l’on se cloisonne, nous vivons à une époque tellement tourmentée que nous marchandons les rencontres, car nous ne sommes plus capables de nous parler simplement.

 

Sourire ou répondre à un sourire est un petit geste qui nous permet de nous resociabiliser. Engager une conversation, aussi futile soit-elle, simplement de dire à l’être à côté de nous qu’il n’est pas invisible,qu’on le considère. C’est accepter qu’il existe tout simplement.

 

Aujourd’hui j’ai regardé une fille pleurer dans le métro. Je voulais aller la voir pour lui demander ce qui n’allait pas. J’ai retiré mes écouteurs et refermé mon pc, j’ai essayé de me lever pour aller la voir, cela m’était impossible. Ce simple geste aussi anodin soit-il m’était inenvisageable, comme si c’était quelque chose de mal, comme si j’avais peur de sa réaction et de celle des autres passagers, pourquoi ? même moi je suis incapable de le dire. L’on nous vend depuis tout petit que pleurer en public est une forme de faiblesse, qu’il n’est pas de bon ton d’aider les faibles dans cette grande compétition qu’est devenue la vie. J’ai vécu un véritable combat entre ce que je savais être juste et ce qu’il était « convenable » de faire. 

 

Je m’interroge sur ma nature profonde et je pense que tout le monde est comme moi : nous avons tous envie d’aider notre prochain ou ceux qui souffrent, mais ce monde nous a rendus incapables de le faire. Personne n’as bougé, elle est descendue et je suis resté seul avec mes regrets, je suis sûr que d’autres auraient voulu l’aider. Régler un problème cela commence par le regarder en face, j’accepte ma déshumanisation et par la même j’accepte de ne plus la laisser me dominer. Accepter ma peur de l’amour accepter que l’autre m’effraye, que je sois terrifié quand je sens que je pourrais avoir pour l’autre plus qu’une attirance physique. Peur de rendre les armes, car depuis tout petit l’on me dit que je ne dois pas être faible, cela passe par le fait de ne laisser personne passer mes murailles, le fait de me défendre avant qu’on m’attaque. Je suis ce que le monde a voulu que je sois, je ne suis plus un homme, mais le sous-produit d’une culture qui m’a voulu sous cellophane. Je, tu, nous sommes tous responsable des atrocités commises.

 

Je soussigné moi Yohan être collatéralement responsable du crime commis.

 

«  le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal , mais par ce qui les regardent sans rien faire » Albert Einstein

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